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Comment s’adresser à, ou désigner, un enseignant dans un art martial ?  

 

 

   Je suis souvent surpris de voir les pratiquants de karate, mais aussi d’arts martiaux du Japon en général, employer moult termes, allant du degré normal de politesse à la déférence pénétrée, pour désigner un enseignant, voire un pratiquant : sensei, bien sûr, shihan, ô-sensei

 

Il faut savoir qu’en japonais, vu que nous parlons des arts martiaux du Japon, sensei n’est pas un terme relatif à un savoir ou une maîtrise extraordinaire… c’est juste un terme pour désigner une personne qui occupe une place particulière, qui a des compétences précises, qui enseigne.

 

 

Il se substitue à « san » qui est le terme le plus commun pour s’adresser à quelqu’un ou pour parler de lui :

« Ah, Ken, viens ce soir ! : Ken san, kon.ya, uchi e asobi ni kite ne »,

«J’ai vu monsieur Rémi dans le jardin : Niwa de Remi san o mita »

 

Un avocat au Japon, on l’appelle « sensei » (mais on France on appelle son notaire ou un avocat maître, qui se rapproche dans ce cas du sens de « sensei »), tout comme un médecin ou un instituteur ou un prof à la fac !

 

Rien de bien extraordinaire… Employer sensei (ou san) est une marque de politesse normale, mais ne pas l’employer dans certains cas n’est pas une marque d’impolitesse. Une mère de famille ne dit pas « Moe san kashikoi wa», pour Moe est maligne, mais juste « Moe kashikoi wa ».

Elle se situe dans le cercle familial, où les règles de politesse sont moins fortes, comme partout ! Quand deux professeurs à l’universités parlent de leur collègues, ils peuvent très bien dire « monsieur Satô sera là demain : Satô san, ashita gakkô ni iru yo ».

Satô est un professeur, comme eux, mais ils n’éprouvent pas le besoin d’ajouter sensei à son nom, san suffit amplement.

 

Pour ma part, quand je m’adresse à un professeur de karate, je l’appelle « sensei » car c’est l’usage… mais je ne lui reconnais aucunement un savoir particulier ou le fait qu’il serait mon maître.

 

Et quand je parle d’un expert/enseignant qui n’est pas mon maître, j’emploi « san », c’est ce qui exprime la politesse minimum et suffisante.

 

Et en français, je n’accole JAMAIS sensei, comme on le lit souvent, car ce terme n’est pas bien compris des non-Japonais, et en plus, je ne tiens pas à montrer qu’il existe la moindre relation professeur-élève ; maître-disciple entre nous.

En français, employer son nom de famille+son nom personnel (pas son « prénom », ça n’existe pas en japonais) suffit amplement. Le seul nom de famille, pour une personne toujours de ce monde en tout cas, est un peu abrupt, il est vrai !

Ecrire, ou dire, "Higaonna Morio est une référence" est tout à fait poli, mais" Higaona est une référence" est un peu bref et manque de rondeur.

 

Mais surtout, il faut garder à l’esprit que sensei ne signifie pas « mon maître »…, comme je l’ai dit au début de ce papier, c’est juste une sorte de suffixe qui indique la politesse.

 

Pour dire mon maître, le terme courant est shishô. Et en général, on n’en a qu’un seul !

Il s’inscrit dans une vraie relation ! Le maître-shishô prend soin de son disciple, leur rapport va au-délà de la pratique dans le dojo. Il l’invite chez lui, le disciple connaît sa famille.

 

Mais ce n’est pas un ami et encore moins un copain, même si, en effet, il y a un sentiment que l’on pourrait qualifier d’ « amical » entre les deux.

Mais non, on est pas l’ami de son maître, et si c’est le cas, c’est qu’il n’est plus le maître.

 

Les Japonais (ce qui inclut les Okinawanais) ont tendance à manifester des sentiments excessifs quand ils sont avec des étrangers… Car influencés par les comportements des Etats-Uniens, expansifs, toujours à se prendre dans les bras, s’appeler par le petit-nom, voire des surnoms, ils tendent à agir de même, renforcés par l’idée que le monde entier se comporte comme les habitants des Etats-Unis.

 

Le maître tient donc son élève occidental par l'épaule, fait des blagues avec lui… Voire, l’appelle « mai furendo = my friend »… Il suffirait pourtant de regarder comment le maître se comporte avec ses disciples japonais, qu’il connaît pourtant depuis des décennies, pour comprendre qu’il ne les considère pas comme ses amis.

 

Après, il existe le terme ô-sensei « grand maître »… à l’origine employée en aikidô pour désigner le fondateur de cet art martial : Ueshiba Morihei…. D’où vient-il ? On ne sait pas trop, mais il sonne étrange aux Japonais du quotidien, quand il le comprennent, car trop déférent. A éviter donc, hormis dans le milieu de l’aikidô, où il s’agit d’un mot consacré.

 

Shihan est juste un terme pour désigner un enseignant, comme un maître à l'école. L'enseignant est un maître, car il dirige, sait... mais il n'est pas un gourou ni même une personne qui a une incidence sur la destinée de ses élèves.

Par le passé, en France, l’instituteur était appelé « maître » par ses élèves. Ce mot de shihan est proche de cet emploi. C’est quelqu’un qui enseigne, qui a acquis une maîtrise pour le faire. Mais en japonais, ce n’est pas un terme commun, on lui préfère "sensei". Il a donc un prestige supplémentaire.

 

Pour finir, tout ceci ne reste que des mots…

Les actions, les actes, sont aussi très importants. Qualifier tout le monde de « sensei », mais ne pas être capable de bien de se tenir en société n’est pas très honorable. Une politesse de base, et un comportement qui va avec, est bien plus reluisant et en adéquation avec la pratique martiale visant à faire de l’individu un être équilibré et harmonieux.

 

Epilogue : pour ne pas se tromper dans l’emploi de termes japonais quand on se trouve avec des Japonais, le mieux est de connaître le japonais, qui est une langue très compartimentée, du fait des différents niveaux dans la société (c’est encore plus vrai pour l’okinawanais).

 

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