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Le renforcement ; ça sert à quoi ? en fait !

 

 

   L’autre jour, j’ai posté des images d’un dojo traditionnel d’Uechi-ryû (celui d’Uehara Takenobu, fils de Saburô, déjà ça en impose) montrant le renforcement via Sanchin.

Certains ont trouvé que cette pratique était superflue voire inutile, car apprendre à encaisser n’est pas la panacée, voire est contre-productive.

Premièrement, je voudrais définir ce que je nomme « renforcement ». Il signifie le fait d’apprendre au corps à recevoir des frappes, des coups, en le soumettant à des impacts transmis par un partenaire, ou via des instruments dédiés. Ce travail possède aussi un part mentale (le “travail” sur soi des arts martiaux), car il faut apprendre à controller la douleur, et aussi à accepter de recevoir un coup... ce qui n’est jamais agréable.

 

Certains nomment cela « endurcissement », le souci, c’est que le but n’est pas d’être « dur » (le résultat de ce processus), et que de plus, certaines parties du corps ne peuvent devenir (plus) dures, car elles ne le sont pas à la base (quadriceps, par exemple).

 

                                                           Renforcement via Sanchin

 

 

   L’Uechi-ryû est une école okinawanaise profondément ancrée dans les arts martiaux chinois, du Sud de la Chine plus précisément.

Son fondateur, Uechi Kanbun, apprit durant plusieurs années dans le Fujian avec un dénommé Zhou Zihe, un expert martial, mais aussi un homme formée à la pharmacopée chinoise et à des techniques de rebouterie. Il semble d’ailleurs, d’après ce qui se dit dans certains dojos okinawanais, que Zhou était un marchand ambulant de plantes chinoises et d’onguents. Mais je reviendrai sur ce point plus tard.

Donc le karate uechi, compte, à la base même de sa pratique, des exercices de renforcement. Aussi importants que les techniques de base ou le kata Sanchin, ils sont de tous les entraînements, dans tous les dojos de ce type de karate. Comme c’est le cas en Chine pour la boxe du Tigre ou de la Mante religieuse (du Sud), ou le Pakmei ou le Taizu… la liste est longue !

Certains ont parfois tendance à qualifier cette pratique qu’ils n’apprécient guère (et/ou ne comprennent pas) comme une conséquence de « l’américanisation » de l’Uechi-ryû… Il n’en est rien, au regard de ce que je viens de détailler.

 

                                    Kiyohide éprouve la cuisse de son frère Narihiro

 

 

Par contre, il faut distinguer deux choses :

- le travail de renforcement, qui vise littéralement à façonner différentes parties du corps, dans un but d’attaque ou de défense (les avant-bras, les cuisses, la ceinture abdominale). Il ne faut pas non plus omettre que lors de la pratique dite Sanchin kitae, renforcement via Sanchin, celui qui éprouve l’exécutant de ses frappes a aussi pour but de vérifier sa structure corporelle. Dans ce cas, la portée de l’exercice est donc double.

- les casses passives sur les pointes des orteils, les tibias, les cuisses, les avant-bras… Il s’agit d’exercices de démonstration, où le but est d’exhiber ce que l’on peut supporter… De plus, il y a un « truc »… On emploie le plus souvent de longs madriers… Les lois de la physique font le reste.

Ces casses extrêmes remontent sans doute à l’époque où Kanbun assistait Zhou dans ses tournées de vente de produits pharmaceutiques… Pour attirer les chalands, les Chinois avaient (et ont toujours) pour habitude d’organiser des spectacles, des numéros, à la suite desquels ils essayaient de vendre leurs onguents… Zhou ne faisait pas exception, et Uechi Kanbun avait observé tout cela… Il le transposa ensuite ces casses dans son enseignement à Wakayama (là où il commença à enseigner, au Japon métropolitain), qui furent ensuite reprises en particulier par les Shinjô.

 

Ainsi, si vous êtes tenté par l’Uechi-ryû, mais que pour une raison ou une autre vous ne voulez pas qu’on vous frappe avec ces longues pièces de bois, ne vous en faites pas, il y a peu de chance que ça arrive de toute façon.

Pour conclure, le renforcement est indispensable au karate uechi. Mais il doit être progressif, pensé de façon intelligente. Frapper pour frapper, ou encaisser pour encaisser, sans recherche pédagogique derrière ne sera que peu productif.

 

 

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