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Les Biens culturels d'Okinawa et le karate

Depuis le haut, à gauche : Kikugawa, Iha S., Ika K., Maeshiro, Nakahodo, Takara (photographie empruntée au journal L'Okinawa taimusu
Depuis le haut, à gauche : Kikugawa, Iha S., Ika K., Maeshiro, Nakahodo, Takara (photographie empruntée au journal L'Okinawa taimusu

 

Les Biens culturels dans les arts martiaux à Okinawa

 

Vous le lisez sans doute parfois, on qualifie certains maîtres okinawanais de karate ou de kobudô de « trésor national vivant », ou bien on dit d’eux qu’ils ont reçu une « décoration de l’empereur du Japon »…

Tout cela est faux ! En tout cas pour les experts des années 2000.

 

A Okinawa, les professeurs émérites de karate et de kobudô sont reconnus par le DEPARTEMENT, pas par l’Etat… et cela change beaucoup !

On passe d’un niveau national, ou la nation dans son intégralité reconnaît la valeur d’une personne, à un niveau départemental, local presque ! Surtout dans le cas d’Okinawa où la population n’est même pas de 1.5 millions d’habitants… Ca fait peu, par rapport aux 120 millions d’âmes du Japon.

 

Et donc le département, décerne des détenteurs de Bien culturel immatériel dans la section karate et kobujutsu (pas kobudô, on se demande pourquoi, vu que ce mot kobujutsu n’est presque plus employé à Okinawa depuis des décennies. Et aussi il est question de karate tout court, pas de karateDÔLà encore, choix étrange, quand on sait que dès que le karate se trouve dans un cadre officiel, on lui adjoint le suffixe de « dô », comme pour lui donner un lustre de dignité).

 

La première vague de reconnaissance de ce titre date de 1997.

Elle comptait Nagamine Shôshin ; Yagi Meitoku et Itokazu Seiki.

 

 

Une autre se tint en 2003, avec Iha Kôshin ; Wakugawa Kôsei; Tomoyose Ryûkô ; Nakazato Jôen ; Miyahira Katsuya ; Nakazato Shûgorô.

 

 

Il fallut attendre l’année 2013 pour voir six autres maîtres élevés au rang de Bien culturel immatériel.

On nomma ainsi Ishikawa Seitoku ; Uehara Takenobu ; Nakamoto Masahiro ; Hichiya Yoshio et Higaonna Morio.

 

 

Et au jour où j’écris ce billet, le comité pour d’éducation du département d’Okinawa vint de rendre publique la quatrième promotion avec

Kikugawa Masanari ; Iha Seikichi ; Maeshiro Morinobu; Iha Kôtarô  ; Nakahodo Tsutomu et Takara Shintoku

 

 

Kikugawa a beaucoup donné de démonstrations à l’étranger, et à Okinawa, ces derniers temps. Évènements organisés par la préfecture.

 

Iha est un disciple de Miyahira Katsuya. Agé de 87, il a beaucoup agi aux Etats-Unis.

 

Maeshiro est un disciple de Miyahira. Il est un peu la « vitrine » du karate shidôkan auprès des étrangers.

 

Iha Kôtarô donne beaucoup de démonstrations de bâtons ces derniers temps lors d’évènements organisés par la préfecture.

 

Nakahodo est un pratiquant historique de l’Uechi-ryû. Il est de toutes les démonstrations de la préfecture depuis quelques années, en tant que représentant de cette école.

 

Enfin, Takara est une légende de l’Uechi-ryû. Agé de 90 ans, il était le fidèle disciple d’Uechi Kan.ei. Il est assez en retrait depuis quelques années, du fait de son grand âge, mais son fils a pris sa relève. Il est de toutes les manifestations liées au karate sponsorisées par la préfecture.

 

 

 

L’âge est donc un facteur déterminant. Cela se comprend… il faut avoir le statut de « grand ancien » pour accèder à ce titre… Il n’est bien sûr par exclusif. Il faut « mouiller le maillot », participer à la promotion du karate, aussi bien lors d’évènement locaux, que lors des grandes manifestations à visées touristo-économiques.

 

Toutefois, certains trouveront ces choix surprenants ? 

Pourquoi Senaga Yoshitsune, pourtant âgé de plus de 80 ans, et très actif durant longtemps en temps que président de la Fédération okinawanaise de karatedô n’a pas été promu ?

Pourquoi Kinjô Takashi, lui aussi âgé de plus de 80 ans, et disciple de deux géants des arts martiaux okinawanais (Matayoshi et Itokazu) n’a pas non plus été choisi ?

 

 

Il faut garder à l’esprit que ce comité pour l’éducation est un organe de la préfecture (la vraie, c'est-à-dire l’institution qui gère Okinawa, pas le département en lui-même [dire préfecture d’Okinawa est une erreur en français, car c’est un anglicisme]), et qu’il est par conséquent lié au pouvoir départemental ! Il y a donc de la politique derrière tout cela !

 

En fait, certains choix de cette quatrième promotion étaient prévisibles. Par exemple, cela fait des années que Nakahodo était mis en avant, alors qu’il n’était à l’époque titulaire d’aucune distinction, à la différence de ceux qu’il accompagnait : Higaonna, Nakamoto (regardez plus haut, ils ont été nommés Bien culturel en 2003). Il était aussi au même niveau que des présidents des fédérations : Agahon Naonobu, Shimabukuro Zenpô, Teruya Kôei ou encore Taira Yoshitaka….

 

 

D’ailleurs, je vous parie que dans 5-7 ans, Shimabukuro, Higa Minoru, et sans doute Shinjô Kiyohide (qui sera bientôt président de la Fédération de karatedô du département d’Okinawa, j’en suis sûr) et Taira Yoshitaka seront promus !

 

 

Pour en apprendre plus sur l’organisation des arts martiaux okinawanais, lisez

Karate kobudô à la source