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Et comment se nommait Okinawa par le passé ?

 

Les insulaires au début du millénaire précédent employaiten le mot Uchinaa うちなあ. Par la suite les lettrés parlaient d’Uruma うるま.

 

La plus ancienne occurrence écrite d’un mot lié à Okinawa se trouve, elle, dans un texte japonais daté de 790. Noté Okonawa 阿児奈派, ce terme est donc l’ancêtre d’Okinawa, mot employé dans le monde entier de nos jours. Ce mot est donc japonais, et l’on peut aisément faire un rapprochement entre Uchinaa et Okinawa, deux langues japoniques, surtout quand on sait que la voyelle [o] n’existe pas en okinawanais, pour être remplacée par [u].

 

La Chine, elle, employait le mot Liuqiu, écrit selon diverses formes 流求/留求//琉求.

La graphie actuelle 琉球, et employée à Okinawa même depuis le XVe siècle environ, ne date que de l’année 1350. Bien sûr, les insulaires ne disaient pas Liuqiu (mot chinois, donc) mais Ruuchuu (terme okinawanais).

 

Voilà pour Okinawa et ses deux voisins…

 

Mais les Occidentaux, eux, qu’employaient-il pour désigner Okinawa ?

 

Le sujet est plus compliqué… moins documenté.

 

Il faut se tourner vers les Portugais, maîtres du commerce en Asie de l’Est et du Sud-Est à partir du XVe siècle pour trouver à partir de l’année 1511 -quand ils prirent pied à Malacca- le premier mot employé en Occident pour désigner Okinawa (les Ryûkyû) : Lequeos (aussi Lequios). L’origine chinoise, Liuqiu, est évidente !

 

Mais, il existe un terme encore plus mystérieux… Celui de Gores (prononcé Goresse). Ce terme apparaît aussi dans les journaux de voyages et autres rapports portugais où il désignait les habitants des Ryûkyû. Sa première occurrence se trouve dans une lettre d’Emmanuel de Portugal adressée au Pape Léon X, datée du 6 juin 1513. Il évoque des marchands chinois, javanais… et des Gores. L’explorateur Albuquerque explique dans son journal que ces Gores vivaient sur une île… celle d’Okinawa sans doute.

 

Durant longtemps, on pensait que ces Gores étaient des Okinawanais… il semble en fait qu’il s’agissait de Coréens vivant aux Ryûkyû. En effet, vers l’an 1500, pour désigner la Corée, on parlait de Cauli, terme venant du chinois Gaoli, lui-même venant du mot coréen Goryeo, du royaume du même nom qui dirigea la péninsule entre 918 et 1312.

Il faut savoir que depuis 1389, des relations officielles existaient entre la Corée et les Ryûkyû. Les deux pays se respectaient et échangeaient sur de nombreux plans. Par ailleurs, les Ryûkyû prenaient soin des naufragés coréens et les rappatriaent par la suite chez eux.

Mais un certain nombre préférait sans doute aussi rester à Okinawa. On sait qu’il existait un quartier coréen près de Shuri vers le milieu du XVe siècle, comme le rappelle Charles Haguenauer.

 

On trouvait aussi chez certains explorateurs/marchands le terme de Likiwu ou Likyu, entendu chez des Arabes à Malacca. Là encore, l’origine chinoise ne fait pas de doute.

Par contre, il semble qu’à Malacca, l’on employât communément celui de Al Ghur « le lieu des mines », pour parler des Ryûkyû, qui avaient la réputation d’être un pays où les métaux précieux étaient légion. Les termes Al Ghur et Gores semble bien proches, nous montrant que ce dernier provient sans doute de la façon dont les Portugais entendirent le premier de la bouche des gens de Malacca.

 

 

 

Ce bref exposé nous montre la complexité de la situation okinawanaise. Situées non loin de la Chine, mais aussi à quelques jours de mer du Japon, et au-delà de la Corée, les Ryûkyû étaient aussi en rapport avec l’Asie du Sud-Est, comme le montre l’intérêt que portaient les gens de Malacca à leur égard.

Tous ces termes, qui renvoient à la même chose au final, sont une preuve de sa place centrale dans les routes marchandes maritimes, auxquelles se greffèrent les Portugais, puis les Français et Anglais.